Discussion
La spondyloptose ou spondylolisthésis sévère est une condition rare et sévère parmi les pathologies du rachis cervical. Les étiologies les plus fréquentes sont les affections congénitales et les traumatismes à haute énergie. Le spondylisthésis traumatique dans le rachis sous-axial (C3-C7) est encore plus rare et est généralement associé à des symptômes neurologiques sévères. Néanmoins, la littérature médicale décrit quelques cas de spondylolisthésis subaxiaux de grade III ou plus présentant un déficit neurologique léger ou nul (tableau 1) (1-3,6,7,10-12). De ce fait, un retard dans le diagnostic est possible. A la connaissance des auteurs, deux cas avec un retard de diagnostic de spondylolisthésis C4-C5 et C5-C6 ont été décrits (1,2), mais nous rapportons le premier cas de spondylolisthésis C7-T1 grade III diagnostiqué 9 mois après le traumatisme initial.
Tableau 1
Auteur & année | Age (ans), sexe | Localisation | Délai de diagnostic | Symptômes | Réduction avec traction pré-opératoire | Traitement |
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Menku et al. 2004 (6) | 35 (M) | C6-C7 | Non | Douleurs cervicales | Non appliqué | Fixation antérieure-postérieure (corporectomie C6, plaque antérieure C5-C7, fixation postérieure C4-C7) |
Tumialán et al. 2009 (10) | 48 (M) | C7-T1 | Non | Douleurs cervicales | Oui. Bonne réduction | Fixation antérieure-postérieure (discectomie C7-T1 et plaque antérieure, fixation postérieure C5-T2) |
Acikbas et al. 2010 (3) | 42 (M) | C7-D1 | Non | Douleurs cervicales | Oui. Bonne réduction | Fixation antérieure-postérieure (discectomie C7-T1 et plaque antérieure, fixation postérieure C4-T3) |
Gasco et al. 2013 (1) | 45 (M) | C4-C5 | Oui. 8 mois | Douleur au cou ; mielophatie légère | Non | Fixation antérieure-postérieure (corporectomies C4-C5, plaque antérieure C3-C6, fixation postérieure C3-C6) |
Mamindla et al. 2014 (2) | 46 (F) | C5-C6 | Oui. 4 mois | Maléophatie légère | Oui/partielle | Antérieure (corporectomie C6 et plaque antérieure C5-C7) |
Ramieri et al. 2014 (7) | 55 (M) | C6-C7 | Non | Douleurs cervicales | Oui/partiel | Fixation antérieure-postérieure (corporectomie C6, plaque antérieure C5-C7, fixation postérieure C3-T2) |
Munakomi et al. 2015 (11) | 56 (F) | C7-T1 | Non | Douleurs de cou | Non. Réduction en salle d’opération | Fixation antérieure-postérieure (discectomie C6-C7 et plaque antérieure, fixation postérieure C6-T1) |
Nguyen et al. 2016 (12) | 60 (M) | C7-T1 | Non | Paresthésies des membres supérieurs | Non | Fixation antérieure-postérieure (plaque antérieure C7-T1 et fixation postérieure C4-T2) |
Mata-Gómez et al. 2016 | 33 (F) | C7-T1 | Oui. 9 mois | Douleur au cou ; mielophatie légère | Non | Fixation antérieure-postérieure (discectomie C7-T1 et plaque antérieure, fixation postérieure C6-T3) |
Le spondylolisthésis de haut grade est le plus souvent provoqué par une hyperextension-flexion, mais d’autres mécanismes d’accompagnement, tels que des forces rotationnelles ou latérales, pourraient être impliqués dans le traumatisme initial. Ces forces de rotation pourraient avoir joué un rôle important dans la translation coronale de la fracture. Il y a une rupture importante des ligaments dans les spondylolisthésis extrêmes qui peut être associée à des fractures des masses latérales, des lamines, des pédicules ou/et des corps vertébraux. L’élargissement du canal rachidien qui provoque ces fractures associées a été considéré comme la principale raison de l’absence de déficits neurologiques dans les publications précédentes (7,13,14).
La prise en charge de ces lésions doit être chirurgicale. Certains auteurs ont rapporté de bons résultats avec un traitement conservateur dans le spondylolisthésis cervical (9,10). Cependant, en raison de la perturbation sévère du complexe osseux et ligamentaire, ces blessures doivent être considérées comme hautement instables. La présence de symptômes neurologiques légers ou leur absence nécessite en outre un traitement soigneux et rapide pour éviter que le déficit initial ne s’aggrave. L’utilisation de la traction cervicale pour obtenir un alignement préopératoire de la colonne vertébrale est utile dans la plupart des cas, surtout lorsque la fracture est récente (1-4,7-10). Néanmoins, en cas de spondylolisthésis chronique, le réalignement par traction cervicale est généralement impossible. Ceci, comme dans notre cas, est probablement dû au blocage des facettes et à la formation de fibrose ou de pseudarthrose au niveau de la fracture (1). De plus, certains auteurs (6) suggèrent que la traction cervicale peut entraîner une augmentation des dommages neurologiques initiaux, surtout chez les patients neurologiquement intacts. Cependant, la traction avec moins de 20 lb pendant 3-10 jours semble être sûre selon la littérature précédente.
Le traitement chirurgical peut être planifié avec une approche antérieure, postérieure ou combinée. Le choix du traitement dépend de plusieurs facteurs tels que le réalignement préopératoire de la colonne cervicale, la présence d’une hernie discale traumatique ou l’expérience du chirurgien. L’approche la plus acceptée est l’approche combinée antérieure et postérieure à 360º ou 540º, avec ou sans corpectomies. Cette approche permet une large décompression du canal et un réalignement réussi de la colonne cervicale (1-7,10-13). En outre, la prise en charge du spondylisthésis chronique devrait faire l’objet de certaines considérations selon notre expérience. Malgré les laminectomies et les corpectomies transpédiculaires, les manœuvres de réalignement avec traction peropératoire peuvent conduire à une diminution significative des potentiels évoqués moteurs et somatosensoriels. Gasco et al. (1) suggère la réalisation de corpectomies totales antérieures pour augmenter l’alignement anatomique dans le cas de spondylisthésis chronique, mais dans son rapport il n’y a aucune mention en relation avec les changements de potentiels évoqués peropératoires. Nous avons donc décidé d’effectuer une réduction subtotale et une fusion antéro-postérieure avec prélèvement de la crête iliaque. Ces résultats suggèrent que si les structures neurologiques sont en danger, il est préférable de réaliser une fusion stable à 360º avec une large décompression de la moelle épinière plutôt que d’essayer d’obtenir un alignement complet de la colonne vertébrale.
En conclusion, ce cas montre qu’un retard dans le diagnostic d’un spondylolisthésis ou d’une spondyloptose cervicale subaxiale sévère peut produire des déficits neurologiques progressifs et des difficultés dans la gestion chirurgicale totale de la fracture. La correction complète de l’alignement du rachis cervical dépend de la flexibilité des structures ostéoligamentaires et de la tolérance de la moelle épinière aux manœuvres de réduction. Il est donc essentiel pour l’équipe médicale d’effectuer un suivi peropératoire des potentiels évoqués de la moelle épinière.