Diagnostic et traitement de l’empoisonnement au polonium

Objectifs : L’intérêt pour la toxicologie clinique du (210)polonium ((210)Po) a été stimulé par l’empoisonnement d’Alexandre Litvinenko en 2006. Cet article passe en revue les caractéristiques cliniques, le diagnostic et le traitement du syndrome d’irradiation aiguë (SRA) résultant de l’ingestion de (210)Po. CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES : Le (210)Po est un émetteur alpha de haute énergie (demi-vie radioactive de 138 jours) qui ne présente un risque d’irradiation que s’il est absorbé par l’organisme, par exemple par ingestion, en raison de la faible portée des particules alpha dans les tissus biologiques. Par conséquent, la contamination externe ne provoque pas de maladie des radiations.

Toxicocinétique : Le (210)Po ingéré se concentre initialement dans les globules rouges, puis dans le foie, les reins, la rate, la moelle osseuse, le tractus gastro-intestinal (GI) et les gonades. Le (210)Po est excrété dans l’urine, la bile, la sueur et (éventuellement) l’haleine et se dépose également dans les cheveux. Après ingestion, le (210)Po non absorbé est présent dans les fèces. La demi-vie d’élimination chez l’homme est d’environ 30 à 50 jours. En l’absence de traitement médical, la quantité orale fatale est probablement de l’ordre de 10-30 microg.

Présentation clinique : Si la dose absorbée est suffisamment importante (par exemple, >0,7 Gy), le (210)Po peut provoquer un SRA. Celui-ci est caractérisé par une phase prodromique, au cours de laquelle des nausées, des vomissements, une anorexie, une lymphopénie et parfois une diarrhée se développent après l’exposition. Des doses de rayonnement plus élevées provoquent une apparition plus rapide des symptômes et une réduction plus rapide du nombre de lymphocytes. La phase prodromique peut être suivie d’une phase de latence pendant laquelle on observe une certaine amélioration clinique. Par la suite, les syndromes caractéristiques de la moelle osseuse (0,7 à 10 Gy), de l’appareil digestif (8 à 10 Gy) ou du système cardiovasculaire et du système nerveux central (>20 Gy) se développent, le moment et le schéma des caractéristiques dépendant de la dose systémique. La triade des vomissements précoces suivis de la chute des cheveux et de l’insuffisance de la moelle osseuse est typique du SRA. Les patients qui ne se rétablissent pas meurent dans les semaines ou les mois qui suivent, alors que chez ceux qui survivent, le rétablissement complet peut prendre de nombreux mois.

Investigation et diagnostic : Les hémogrammes en série sont importants pour évaluer le taux de réduction du nombre de lymphocytes. L’analyse des chromosomes, en particulier le compte dicentrique, peut établir les effets des radiations et fournit une estimation de la dose. Le diagnostic de l’empoisonnement au (210)Po est établi par la présence de (210)Po dans l’urine et les fèces et l’exclusion d’autres causes possibles. En l’absence d’antécédents d’exposition, le diagnostic est très difficile car les caractéristiques cliniques sont similaires à celles d’affections beaucoup plus courantes, telles que les infections gastro-intestinales et l’insuffisance de la moelle osseuse causée, par exemple, par des médicaments, d’autres toxines ou des infections.

Prise en charge : De bons soins de soutien sont essentiels et doivent viser à contrôler les symptômes, à prévenir les infections mais à traiter celles qui surviennent, et à transfuser du sang et des plaquettes si nécessaire. L’aspiration ou le lavage gastrique peuvent être utiles s’ils sont effectués rapidement après l’ingestion. La thérapie par chélation est également susceptible d’être bénéfique, les recherches sur les animaux suggérant une réduction de la rétention dans le corps et une amélioration de la survie, bien qu’une augmentation de l’activité dans certains organes radiosensibles ait également été rapportée avec certains agents chélateurs. Le Dimercaprol (British Anti-Lewisite) (avec la pénicillamine comme alternative) est actuellement recommandé pour l’empoisonnement au (210)Po, mais les modèles animaux indiquent également une efficacité de l’acide 2,3,-dimercapto-1-propanesulfonique, de l’acide méso-dimercaptosuccinique ou du N,N -dihydroxyéthyléthylène-diamine-N,N -bis-dithiocarbamate.

Conclusions : La contamination interne par le (210)Po peut provoquer un SRA, qui doit être envisagé chez les patients présentant initialement des vomissements inexpliqués, suivis plus tard par une insuffisance de la moelle osseuse et une perte de cheveux.

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