La biologie de la conservation est devenue une discipline en plein essor depuis son origine au début des années 1980. Les théories issues des domaines de la biogéographie insulaire, de la génétique, de la démographie et de l’écologie des populations ont été largement appliquées à la conception et à la gestion des réserves, aux programmes de reproduction en captivité et à la classification des espèces menacées. Depuis 1980, nous avons assisté à l’expansion rapide d’une société professionnelle et à l’émergence de programmes d’études supérieures actifs.
Néanmoins, le cours du développement de la discipline n’a pas été tout à fait sans heurts ; le manque de financement adéquat reste un problème critique. Les soutiens financiers et institutionnels de la biologie de la conservation, dans ses rôles de recherche et d’éducation, doivent être renforcés (Soulé 1986). En outre, bien que certaines avancées aient été réalisées dans le domaine de la coopération interdisciplinaire et de la communication entre les scientifiques et les gestionnaires, des progrès significatifs sont nécessaires avant que les objectifs initiaux de la biologie de la conservation puissent être atteints.
Les mises en garde concernant les diverses méthodes analytiques nécessitent des recherches supplémentaires afin d’atteindre leur plein potentiel en tant que prédicteurs de l’extinction. Il est devenu clair que l’AVP n’est pas actuellement une méthode viable pour prédire le temps précis jusqu’à l’extinction d’une espèce. De plus, le fait d’exiger des données quantitatives pour les décisions en matière de conservation peut imposer indûment la charge de la preuve aux scientifiques, au détriment des espèces concernées. L’AVP est cependant utile pour comparer les risques d’extinction relatifs entre les espèces et les populations, et pour hiérarchiser les actions de recherche et de gestion.
De même, le concept de MVP a jusqu’à présent été limité dans son potentiel d’application aux décisions de conservation. Étant donné que le manque de variabilité génétique ne présente généralement pas de risques d’extinction pour les grandes populations, le concept n’est pertinent que pour les petites populations. Cependant, même pour les petites populations, une réduction temporaire en dessous d’un MVP n’implique pas nécessairement une forte probabilité d’extinction. Le consensus entre les biologistes de la conservation sur la sélection d’hypothèses appropriées pour estimer la taille effective de la population et sur le délai dans lequel nous sommes concernés par l’extinction, offre un potentiel pour l’utilisation du MVP comme outil en biologie de la conservation.
Parce que les décisions de conservation sont souvent confondues par l’incertitude, l’analyse de décision semble être une méthode particulièrement utile pour les biologistes de la conservation. Le système de classification de l’UICN propose une approche de la classification des espèces qui tient compte du risque, en utilisant des critères multiples, et dans laquelle des données sont généralement disponibles pour évaluer au moins un des critères. Cependant, des analyses supplémentaires sont nécessaires pour développer et affiner les outils analytiques suggérés par l’UICN en tant que critères de détermination du statut.
Jusqu’à ce que ces questions soient résolues, le statut de la biologie de la conservation en tant que science prédictive restera sérieusement douteux (Soulé 1986). Compte tenu de la nature imparfaite des outils analytiques faisant partie intégrante du domaine de la biologie de la conservation, de l’écart apparent entre la théorie et la pratique, et de la perte continue de biodiversité, quel est l’avenir de la biologie de la conservation ? Les modèles d’aujourd’hui peuvent sans aucun doute devenir les « modèles de bâtons brisés … et autres débris étranges et merveilleux » que Soulé (1987) envisage comme jonchant le champ de la biologie mathématique des populations. Néanmoins, les modèles de population continueront à évoluer en tant qu’outils critiques pour les biologistes de la conservation.
Au contraire, le rôle du biologiste de la conservation reste simplement de défendre une bonne science et de mettre les résultats saillants à la disposition des gestionnaires et des scientifiques d’autres domaines. La défense de « valeurs » sous les auspices de la science compromet l’objectivité de cette dernière. La distinction entre le plaidoyer et la science doit être claire pour que la biologie de la conservation persiste en tant que discipline légitime.
Enfin, la dichotomie à laquelle Caughley (1994) fait référence comme étant le « paradigme de la petite population », qui a besoin de plus de preuves empiriques, et le « paradigme de la population en déclin », qui a besoin de plus de développement théorique, a généré un débat substantiel parmi les biologistes de la conservation sur la direction que prend le domaine. M. Caugley a souligné que de nombreux fondements théoriques de la biologie de la conservation sont erronés dans la mesure où ils traitent un effet, tel qu’une petite taille de population, comme s’il s’agissait d’une cause. Il a suggéré que les efforts de conservation devraient plutôt se concentrer sur la détermination des causes du déclin des populations et sur les moyens d’identifier les agents de ce déclin (Caughley 1994). Cette idée a réorienté de nombreux théoriciens pour qu’ils considèrent la portée plus large de leur travail et a encouragé les biologistes de terrain à aligner plus étroitement leurs recherches sur les questions liées à la conservation. Ainsi, le décor a été planté pour le développement futur à la fois des constructions théoriques et des enquêtes d’histoire naturelle essentielles à la persistance de la biologie de la conservation en tant que discipline scientifique.